LES INCOHÉRENCES DE LA RÉFORME DU LYCÉE GÉNÉRAL

Nous sommes conscients qu’une réforme du lycée général est nécessaire : mais celle qui nous est présentée n’est pas pertinente, pour le moins.

 

Elle vous semble pourtant bonne ? Bien pensée ? Cohérente ?

 

C'est que le ministère communique beaucoup au sujet des réformes en cours. Ses éléments de langage sont relayés presque tels quels par la presse nationale. Forcément, difficile de les envisager sous un jour plus critique...

 

Toutefois, de nombreuses affirmations officielles ne soutiennent pas un examen attentif.

 

La preuve par quelques incohérences - et affirmations mensongères - majeures.

 

Incohérence n°1 : "mieux accompagner le travail des lycéens" ?

FAUX !

Tandis que l’institution affirme que ces réformes permettront de « mieux accompagner le travail des lycéens », des postes sont supprimés (-2.600 dans le secondaire pour la seule rentrée 2019, tandis que le nombre d'élèves était en hausse de 40.000 !).

 

Le Rectorat de Toulouse a accordé à ses lycées des moyens horaires ... sur une base de 36 élèves par classe pour l'année 2019-2020 !

 

Conséquences concrètes du "nouveau lycée" : des classes surchargées, des crédits horaires amputés … La finalité de la réforme est budgétaire, non pédagogique.

 

Qui peut imaginer que nous accompagnons mieux vos enfants en étant moins nombreux dans les établissements ? L'actuel ministère ...

 

Soyons concrets : dans notre Lycée Clémence Royer de Fonsorbes, les moyens horaires qui nous ont été attribués sont en baisse pour l'année 2019-2020. La perte se monte à environ 50 heures poste, soit l'équivalent de près de 3 postes d'enseignants à temps plein.

 

Ailleurs, la situation est souvent pire...

 

 

De plus, ces réformes mettent à mal l’égalité des chances qu’est censée assurer l’Education Nationale : les fractures sociales et territoriales seront aggravées du fait de spécialités accordées en grand nombre dans les lycées de grandes métropoles, et en petit nombre dans les établissements ruraux. La spécialité "Théâtre" nous ainsi été refusée, malgré la présence de personnels compétents et des modules déjà existants, qui devraient être supprimés (Arts du spectacle en 2nde, Atelier théâtre, etc.).

 

Si votre enfant désire suivre une spécialité que nous ne proposerons pas (à savoir "Sciences de l'ingénieur" / "Arts : Théâtre, Audiovisuel, Histoire des arts, etc." / "Langues, littérature et culture étrangère : Allemand et Italien"), il devra soit changer d'établissement (pratique ?), soit suivre ladite spécialité via le CNED (gratuit ?).

 

Le ministère affirme que vos enfants pourront, le cas échéant, suivre leur scolarité dans leur lycée d'origine et se rendre dans un autre pour bénéficier de la spécialité manquante : cette affirmation est illusoire. Dans la pratique, il sera IMPOSSIBLE pour les lycées de bâtir des emplois du temps leur permettant de se partager les élèves. 

 

 

Incohérence n°2 : "la réforme du lycée offre plus de choix et de liberté aux élèves" ?

FAUX !

Le pire est peut-être l’affirmation selon laquelle « la réforme du lycée offre plus de choix et de liberté pour les élèves ».

Tout d'abord, comme vous l'avez lu plus haut, chaque lycée n'a pas l'obligation de proposer un nombre minimum de spécialités. Le degré de liberté des élèves est donc fonction de leur lieu de vie...

 

 

  

Mais surtout, la structure même du nouveau lycée "contraint" les lycéens davantage qu'il ne les libère.

 

Tandis qu’un actuel bachelier de série S cumule l’étude de 3 enseignements scientifiques (Physique-Chimie, SVT, Mathématiques), les futurs élèves de Terminale devront se concentrer sur 2 spécialités : M. Blanquer, vantant les 3 choix de spécialités possibles en Première, n'est pas très bavard lorsqu'il s'agit de rappeler qu'une de ces spécialités devra être abandonnée en Terminale...

 

Face à ce choix restreint, l’élève, sous pression, devra choisir ses spécialités non par goût, contrairement à ce que le ministère affirme, mais en fonction de leur « utilité » en matière d’orientation, et sacrifier une discipline.

 

Leurs choix, même, ne seront dans tous les cas pas respectés. Lors d'une enquête récente soumise à nos élèves du Lycée Clémence Royer de Fonsorbes, plus de 60 combinaisons différentes de spécialités ont émergé des résultats. Statistiquement, il est même possible de grimper à plus de 500 combinaisons dans notre établissement proposant 9 des 12 spécialités (9*8*7).

 

Le ministère a beau répéter que "le choix des élèves sera souverain", il sera matériellement impossible de mettre au point des emplois de temps permettant la coexistence d'un tel nombre de trinômes ! Au mieux, une quinzaine de "menus" différents pourraient être imaginés ... ce qui se matérialisera par d'incontournables déceptions.

 

Par ailleurs, une note publiée le 6 mars 2019 par la DGESCO (un service du ministère) confirme ce que M. Blanquer qualifiait jusqu'alors "d'angoisses" infondées  : ce seront bien les proviseurs qui détermineront les groupes de spécialités et la répartition des élèves en leur sein, en fonction des "contraintes spécifiques propres à l'établissement". Où est passé le "désir" qui, seul, devait guider les choix des élèves ?

 

 


 

A noter que lesdites spécialités, chronophages, vont entraîner, du fait de la baisse globale des moyens horaires, la quasi disparition de l’Accompagnement personnalisé, des cours dédoublés, et des options !

 

Moins de moyens pour suivre et accompagner vos enfants, donc ...

 

 

Incohérence n°3 - "mieux accompagner l'orientation au lycée" ?

VRAI ET FAUX !

 

La structure du nouveau lycée est très ambitieuse en matière d'orientation vers le supérieur. Jugez plutôt : 1h30 par semaine et par élève, de la seconde à la terminale, consacrée uniquement au travail du projet d'orientation, avec l'aide d'un enseignant ! Voici ce que présentent avantageusement les plaquettes des nouveaux horaires du lycée...

 

 

Oui mais ... les moyens horaires alloués aux établissements ne suivent pas ! 

 

En plus des heures dédiées aux spécialités et aux enseignements de tronc commun, les établissement disposent d'une "enveloppe" de 12 heures par classe ... dans laquelle ils doivent piocher pour d'éventuelles heures d'A.P., d'éventuels dédoublements, pour le maintien des "sections européennes", pour le maintien d'éventuelles options, etc.

 

En définitive, cette maigre enveloppe ne permet pas de financer le fameux module "d'orientation" et de permettre à chaque élève d'en bénéficier...

 

 Voici la réalité des dotations horaires qui sont actuellement communiquées aux différents lycées de l’hexagone et conduiront à fortement dégrader la qualité de l’accompagnement auquel les élèves devraient avoir droit. Les élèves en difficulté paieront les premiers les conséquences de ces « évolutions ».

 

Incohérence n°4 - "un bac allégé" ?

FAUX !

Le ministère vante « « un baccalauréat allégé », insistant sur la disparition de la fameuse "semaine d'épreuves" au mois de juin de l'année de Terminale. Pourtant, rien n’est plus mensonger.

 

Que les parents des actuels élèves des classes de seconde s’y préparent : leurs enfants seront soumis, durant leur seule année de première, à deux semaines d’examens (de "partiels") comptabilisés pour le Baccalauréat, dès janvier 2020 !

 

A cela s'ajouteront les notes obtenues tout au long de l'année (contrôle continu), et les traditionnelles épreuves de français en juin. Vous avez dit "allégé" ?

 

  

Ces examens (les fameux "partiels") seront de plus organisés - et corrigés - localement, ce qui brisera une bonne part du caractère national du diplôme, et placera les élèves sous une pression constante.

 

Lesdits "partiels" pèseront pour 30% du résultat final. Et ils s'ajouteront aux examens, toujours nombreux, de l'année de terminale (partiels en janvier de terminale, épreuves de spécialité en mai, Grand oral et Philo en juin) !

 

Vos enfants sont prévenus : le bachotage permanent remplacera l’apprentissage éclairé.

 

Incohérence n°5 - "des programmes mieux pensés" ?

FAUX !

  Les élèves actuellement en classes de seconde vont être les premiers à "expérimenter" les réformes du lycée et du bac.

 

Leur imposer ces réformes constitue pourtant un non-sens éducatif !

 

Les élèves de seconde travaillent en effet, cette année, les « anciens programmes », mais devront s'adapter aux « nouveaux programmes » de première, ce qui donnera lieu à de nombreuses aberrations pédagogiques.

 

Quelques exemples :

- En mathématiques, des compétences devront être approfondies en première « nouveaux programmes » … mais n’auront pas été introduites en seconde « anciens programmes » !

- En histoire, la Révolution française sera longuement étudiée en fin de seconde...puis de nouveau au début de l'année de première ! Doublon similaire en géographie avec l'étude des Espaces urbains.

- A l'inverse, en SVT, l'actuelle génération d'élèves de seconde ne suivra pas l'enseignement, pourtant essentiel en terme de santé publique, "d'éducation à la sexualité" : en effet, les anciens programmes l'abordent en première ... mais les nouveaux la déplacent en seconde ! 

 

Pourquoi ces incohérences ? Ont-elles une vertu pédagogique ? Aucune ! L'unique raison de ce calendrier d'application invraisemblable ... est politique. Il s'agit de permettre au bac nouvelle formule d’être étrenné dès 2021, calendrier électoral oblige.

 

L’intérêt des élèves passe après…

 

Le simple bon sens devrait inciter M. Blanquer à repousser l'application de ses réformes pour que les actuels élèves de secondes passent l'ancien bac, auxquels les programmes qu'ils travaillent cette année les préparent...

 

Incohérence n°6 - "des réformes construites avec les élèves et les enseignants" ?

FAUX !

 

Dès qu'il le peut, le Ministre rappelle qu'il a "beaucoup consulté" pour bâtir ses réformes. Consulté, peut-être... Pris en considération, jamais.

 

La question de la qualité intrinsèque des nouveaux programmes est révélatrice de l'incapacité de l'actuel ministère à construire dans le dialogue.

 

La majorité des associations de professeurs spécialistes se montrent très critiques à l'égard des futurs programmes. A titre d'exemples :

 

- L'association des professeurs de maths (APMEP) s'inquiète de l'ambition et du niveau plus élevé de ces programmes, qui présentent un tel niveau de difficulté que seuls les meilleurs éléments pourront le suivre...

 

- L'association des professeurs d'histoire-géographie (APHG) déplore des programmes d’histoire trop chargés, et irréalisables dans le volume horaire imparti.

 

- L'association des professeurs de sciences économiques et sociales (APSES) pointe du doigt des programmes bien trop volumineux et souvent excessivement techniques, laissant peu de place à la réflexion et à l'esprit critique, conduisant à la dégradation de la formation intellectuelle et citoyenne des élèves.

 

Pour rappel, tandis que M. Blanquer se targue de consulter les enseignants et les lycéens dans la mise en place de ses réformes ... notre ministre oublie de préciser qu'il a essuyé - sans en tenir aucun compte ! - le rejet massif des nouveaux programmes par l'instance qui en réunit les représentants, le Conseil Supérieur de l’Éducation* (qui avait pourtant validé ceux de 2010), à l'exception des programmes des enseignements technologiques (ex : français, 41 voix contre, 2 pour / SES, 50 voix contre, 0 pour / mathématiques, 32 contre, 6 pour / etc.).

 

De plus, le CSE* du 18 décembre a mis au vote un moratoire sur les réformes dans leur ensemble : "Ni la structure ni les programmes présentés ce jour ne peuvent être mis en application à la rentrée 2019". Ce vœu a été adopté par 49 voix pour et 4 voix contre, confirmant un large rejet des nouveaux bac et lycées, tant par les enseignants que les lycéens, et leurs parents... Oui, ils ont été consultés. Mais aucun compte n'a été tenu de leurs avis.

 

Vous avez dit "réforme construite dans le dialogue" ?

 

 

* Le CSE est une instance consultative qui réunit les représentants des enseignants, des lycéens, et des parents d'élèves (du public comme du privé). 

  

Bilan - Des réformes précipitées ...

 

S'il est une priorité sur laquelle nous pouvons tous nous accorder, c'est que ces réformes doivent être, au minimum, repensées et repoussées. Voire - et c'est là notre conviction - supprimées. 

  

Elles sont, dans leur mise en place, précipitées, et placent nos actuels élèves de seconde dans une situation stressante, devant se déterminer pour des choix de spécialités qui impacteront – sans qu’ils sachent de quelle manière – leur orientation dans le supérieur, et dont les programmes viennent à peine de paraître.

 

Comment nous aider à ce que l'intérêt des élèves l'emporte ? La rubrique "Aidez-nous" vous propose quelques éléments de réponse... (visuel à partager, pétition à signer, etc.)

 

Tract Contre Réformes Blanquer Bac Lycée 2021
Tract à propos des réformes Blanquer du bac et des lycées